Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs,
Demain, mardi 6 avril, vous serez amenés à vous prononcer sur l’article 21 du projet de loi confortant les principes républicains.
L’association Les Enfants d’Abord s’étonne que l’Instruction En Famille (IEF) soit encore l’objet d’un article dans un projet de loi sécuritaire alors qu’aucun bilan n’a été fait de la loi « école de la confiance » et qu’aucune preuve tangible ne permet de faire le lien entre IEF et manquement aux valeurs de la République.
Nous rappelons que 14 février 2019, lors des débats sur le projet de loi pour une école de la confiance, Monsieur Blanquer rendait un avis défavorable à la proposition de passer l’instruction en famille à un régime d’autorisation, pour les mêmes raisons que la rapporteure: « La liberté de l’enseignement est un principe à valeur constitutionnelle. Instaurer une autorisation préalable irait à l’encontre du principe du choix de l’instruction. »
Le 18 juin 2020, lors de son audition par la Commission du Sénat sur le risque de radicalisation islamiste, le Ministre de l’Education nationale assurait qu’un cadre législatif et juridique existait et qu’un bon équilibre était trouvé avec le renforcement de l’encadrement de l’IEF avec la loi « pour une école de la confiance » (2019): « sur le plan juridique, je crois que nous sommes parvenus à un bon équilibre »
Le 6 janvier 2021, la Défenseur des droits a pu rappeler, lors de son audition devant la Commission Spéciale de l’Assemblée Nationale, à propos de l’article 21 du projet de loi confortant les principes républicains que :
– « Depuis 1882, [il y a] cohabitation des différentes modalités, il ne ressort pas d’incompatibilité de principe entre l’instruction en famille et l’École Républicaine, dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant ».
– « quant à l’objectif visé […] la place de ces dispositions interroge sur la possibilité qu’elles soient motivées par des seuls impératifs sécuritaires plutôt qu’au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant. ».
Elle concluait son propos en précisant « À cet égard, si je puis me permettre, plutôt que de déployer autant d’efforts pour limiter et encadrer l’instruction en famille de 35 000 enfants, il me paraît urgent de trouver des solutions pour les plus de 100 000 jeunes qui sortent de notre système scolaire sans aucune qualification. »
La situation est ubuesque : vouloir mettre de force à l’école des enfants instruits en famille, qui s’y épanouissent, et dont 98 % des contrôles sont jugés positifs par l’Education nationale – en application d’une loi de 1882, encadrée à de multiples reprises ses dernières années et à nouveau en 2019 par M. Blanquer.
Alors que dans le même temps « 100 000 enfants et jeunes sont privés d’école notamment à cause des refus illégaux d’inscriptions scolaires par les maires »(1) nous sommes surpris, tout comme la Défenseur des droits, de la priorité du gouvernement et de la dépense d’énergie déployée contre l’instruction en famille.
La Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme recommande « en ce qui concerne le choix fait par les parents de l’instruction en famille, d’en rester au régime déclaratif et de mettre en œuvre les contrôles déjà prévus par la loi. » – avis du 28 janvier 2021.
Nous attirons votre attention sur le fait que ce sont des enfants qui sont au cœur des enjeux et en appelons donc à votre sagesse à la veille de légiférer sur l’article 21.
Veuillez agréer, mesdames les Sénatrices, messieurs les Sénateurs, l’expression de nos sincères salutations.
L’association les enfants d’abord.