Réaction de LED’A au rapport de la Miviludes – Version pdf
Depuis la parution du rapport 2009 de la MIVILUDES (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), nous avons pu découvrir dans les médias (presse télévisuelle et écrite notamment) des informations infondées voire diffamatoires à l’égard du mode d’instruction qu’est l’instruction en famille.
D’emblée ce mode d’instruction est présenté dans ces médias comme un danger potentiel alors que depuis sa date de création en 2002, la MIVILUDES a elle-même, au cours de ses rapports successifs, réaffirmé année après année qu’il n’y avait pas lieu de faire un amalgame entre les sectes et l’instruction en famille1.
Dans une dépêche AFP du 7 avril 2010, M. Fenech, président de la MIVILUDES, a annoncé que « Plus de 13.500 enfants de 6 à 11 ans ne vont pas à l’école, dont près de 1.900 ne suivent aucun programme d’Éducation à distance ». Si ces enfants ne fréquentent pas les établissements scolaires, il n’en demeure pas moins que ces enfants reçoivent effectivement une instruction ce que reconnaissent les rapports annuels de la MIVILUDES.
Il semble utile de rappeler qu’en France ce n’est pas l’école qui est obligatoire mais l’instruction.
Si M. Fenech souligne que ces enfants « ne suivent aucun programme d’Éducation à distance », il faut savoir que la liberté de l’enseignement est un héritage français profondément ancré et que ces enfants peuvent donc être instruits en fonction des choix éducatifs de leurs parents comme la Constitution le prévoit : « Les parents ont par priorité le droit de choisir le genre d’Éducation à donner à leurs enfants. » Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, 1948, article 26-3.
Les familles ont donc le choix de l’enseignement qu’elles souhaitent dispenser à leurs enfants et ce choix ne peut se réduire aux seuls programmes délivrés par l’Éducation nationale.
En 2007, au cours des débats parlementaires dans le cadre du projet de loi sur la protection de l’enfance, M. Fenech avait déposé des amendements2 qui auraient eu pour conséquence de supprimer quasiment l’instruction en famille. Il avait en effet proposé que les familles aient recours de manière systématique à un cours par correspondance et que les familles justifient de raisons réelles et sérieuses pour motiver ce choix. Ces amendements ont été refusés du fait de leurs caractères jugés « trop restrictifs » par le ministre délégué à la famille de l’époque, Monsieur Philippe Bas, qui s’était en personne déclaré opposé à ces amendements. À ses côtés, Mme la Rapporteure, Valérie Pécresse, lors des débats à l’Assemblée avait rappelé à M. Fenech que l’instruction en famille était un mode d’instruction très encadré déjà depuis la loi de 1998 sur le renforcement de l’obligation scolaire et qu’il n’y avait pas de justification à renforcer des contrôles existants que ce soit au niveau social (contrôle de la mairie) ou au niveau pédagogique (contrôle de l’inspection académique).
En janvier 2010, une délégation des associations nationales qui représentent les parents qui font le choix de l’instruction en famille a été reçue au ministère de l’Éducation nationale et a remis à cette occasion une synthèse sur les contrôles pédagogiques tels qu’ils se déroulent dans les familles. Lors de cet entretien, les parties en présence ont convenu que le contexte de dérive sectaire « pèse sur les contrôles pédagogiques et sociaux en installant d’emblée un climat de suspicion nuisible au bon déroulement des contrôles, alors que ces mêmes contrôles apportent depuis dix ans la preuve que les familles en très grande majorité ne sont pas concernées par l’embrigadement sectaire. » (page 3 de la synthèse). Une nouvelle circulaire doit lever cette suspicion et réaffirmer le droit des parents à choisir le mode d’instruction qui convient à leurs enfants. Pourtant quasiment au même moment, et suite à la parution du rapport de la MIVILUDES en avril 2010, nous pouvons entendre, par exemple, sur la 5 dans l’émission « Les Maternelles » du 21 avril 2010 que « pour les mouvances sectaires le homeschooling – l’école à domicile – est un des biais de recrutement très, très, très employés des parents et de leurs enfants (…) ». Ces propos sont mensongers et totalement infondés. Un rectificatif3 a d’ailleurs été diffusé lors de l’émission du 5 mai 2010.
Un de nos interlocuteurs au ministère de l’Éducation nationale a confirmé très récemment à un représentant de LED’A que sur les 45 cas de demandes de rescolarisation (résultat de l’enquête sur l’instruction à domicile, page 255 du rapport 2009 de la MIVILUDES), aucun n’avait de rapport avec les sectes.
Dans le cadre des auditions menées par M. Fenech en 2006, Messieurs Jean-Yves Dupuis et Pierre Polivka, inspecteurs généraux de l’Éducation nationale, déclaraient : « Nous avons eu 23 mises en demeure de scolarisation, ce qui est évidemment là aussi un chiffre relativement faible, mais il est bien entendu en plus que les enfants éduqués dans les familles ne le sont pas parce que les parents appartiennent systématiquement à des mouvements sectaires, ils le sont la plupart du temps pour des raisons purement idéologiques… ». Monsieur Dupuis avait notamment fait allusion au nombre d’enfants en danger concernés par les sectes signalés au Procureur de la République : 8 sur 19 000. Sur ces 8 enfants en danger combien étaient instruits en famille ? Nous n’avons à ce jour obtenu aucune réponse.
Le rapport 2009 de la MIVILUDES réitère le constat que « le choix de l’instruction à domicile n’est en rien synonyme de dérive sectaire et est garanti par la loi » (pages 127 et 226), qu’il « doit être à cet égard rappelé que la solution retenue pour ces enfants par leurs familles correspond elle-même à l’exercice d’une liberté et ne doit pas être suspectée par principe, et (…) qu’il (…) convient donc d’écarter tout amalgame entre instruction à domicile et risque de dérives sectaires » (page 250) .
Toutefois ce choix, pour la MIVILUDES, peut induire un isolement « propice à l’enfermement dans un univers irréel, où seul le discours des parents paraît digne d’être cru. » (page 127) et « Il faut cependant être conscient que la volonté de ne pas scolariser un enfant dans des structures publiques ou privées sous contrat peut, en de rares cas, ne pas résulter de considérations liées au bien-être et à l’épanouissement de l’enfant et s’avérer un terrain propice à la manifestation de risques de dérives sectaires. » (page 250). Il apparaîtrait donc qu’il faille mieux cerner la réalité de l’instruction en famille et à ce titre les inspecteurs des académies ont été chargées d’une enquête « permettant de mieux connaître le phénomène. » (page 250).
Nous nous interrogeons sur l’objet de cette enquête alors que depuis de nombreuses années, les associations ont publié très régulièrement, en informant et en envoyant copie des documents au ministère de l’Éducation nationale, des textes à l’intention des académies dans le but de mieux faire connaître l’instruction en famille et notamment les livrets :
– « Mieux connaître l’instruction en famille » paru en 2007 ( LED’A )
– « Présentation de l’instruction en famille par Choisir d’Instruire Son Enfant » paru en janvier 2009 (CISE)
De plus, ces associations n’ont cessé d’être en contact avec le ministère de l’Éducation nationale, soit lors de rendez-vous, soit par courriers, dans le but notamment de permettre un déroulement des contrôles plus respectueux de la liberté de l’enseignement des familles et du droit des enfants à recevoir une instruction. Dans le rapport 2009 de la MIVILUDES page 249, le directeur du cabinet du Ministre de l’Éducation nationale, parle de la nécessité, apparue après 2009, de mieux connaître « la réalité de l’instruction dans la famille » et d’apporter « une amélioration des modalités de contrôle de ce mode d’instruction ». Nous nous félicitons de cette volonté quoique réellement tardive de mieux connaître l’instruction en famille. Toutefois nous nous demandons pourquoi cette enquête s’inscrit dans le cadre de la MIVILUDES alors qu’aucun élément n’indique la nécessité d’une vigilance accrue en matière de risques de dérives sectaires.
Il n’est pas plus acceptable aujourd’hui qu’hier de présenter l’instruction en famille par le prisme déformant de la menace sectaire. L’instruction en famille est un mode d’instruction à part entière. Pourtant en dépit de la volonté des associations non seulement d’informer sur ce qu’est réellement ce choix mais aussi d’entrer en communication avec le ministère de l’Éducation nationale et les personnels des inspections académiques et des rectorats dans le but de trouver des solutions à des situations le plus souvent conflictuelles, ce choix reste encore méconnu et cristallise bien des peurs qu’aucun chiffre, qu’aucun contrôle, qu’aucune enquête ne vient corroborer.
Nous invitons les journalistes des différents médias intéressés par ce mode d’instruction à contacter l’association à cette adresse : media AROBASE lesenfantsdabord POINT org
Nous pourrons ainsi les mettre en contact avec des familles qui seront heureuses de présenter leur choix. Nous tenons également à leur disposition le document « Les contrôles pédagogiques – État des lieux 2010 » et les résultats d’une enquête concernant les effectifs des cours par correspondance réalisée auprès de ces derniers en septembre 2009.
Service MEDIA de LED’A
http://blog.lesenfantsdabord.org/
Note 1
Rapport 2003 :
« Cette possibilité légale est aujourd’hui utilisée sur l’ensemble du territoire pour près d’un millier d’enfants. »
« À noter que la suspicion de dérive sectaire n’est apparue que très rarement lors de ces contrôles. Une seule «école de fait » semble encore exister (13 enfants concernés : 5 familles). »
Pages 68 et 69
Rapport 2004 :
« 677 contrôles ont ainsi été réalisés par des personnels d’inspection, en application de la loi du 18 décembre 1998 tendant à renforcer le contrôle de l’obligation scolaire. Dans quelques cas (très rares), la famille a été amenée à inscrire l’élève dans un établissement public ou privé sous contrat. Il convient de noter la diminution sensible du nombre d’enfants instruits dans la famille en France (6000 en 1998 – à peine plus de 1000 en 2004). »Pages 38 et 39
Rapport 2005 :
« La CPPS a particulièrement axé son effort en 2005 sur le contrôle des enfants instruits à domicile ou dans des établissements privés hors contrat (environ 10.000 au total). Plus de 1000 contrôles ont ainsi été réalisés par des personnels d’inspection (en application de la loi du 18 décembre 1998 et du décret du 23 mars 1999 relatif aux contenus des connaissances requis des enfants instruits dans la famille ou dans des établissements privés hors contrat). Dans quelques cas (rares), la famille a été amenée à inscrire l’élève dans un établissement public ou privé sous contrat. »
Pages 106 et 107
Rapport 2006 :
« Comparée aux années précédentes, l’année scolaire 2005-2006, a été pour la Cellule de prévention des phénomènes sectaires (CPPS), une année particulièrement calme. La CPPS n’a, en effet, été que rarement saisie : trois cas d’enfants considérés comme en danger, soit parce que des parents appartenant à des mouvements sectaires envisageaient de les scolariser dans des écoles à l’étranger, soit parce que l’un d’entre eux était considéré comme un enfant indigo. Dans ce dernier cas, l’inspecteur d’académie compétent a effectué un signalement auprès du procureur de la République, tandis que les autres cas se sont réglés par le dialogue entre les parents et les responsables de l’Éducation nationale. Ces deux dernières affaires soulignent l’importance de la vigilance que doivent exercer tous les personnels du ministère : un des deux cas a ainsi été signalé par une assistante sociale dont l’intervention a permis de trouver une solution satisfaisante. […]
« Ces corps d’inspection territoriaux ont continué à se montrer actifs dans plusieurs domaines, notamment le contrôle de l’instruction dans la famille, même s’il faut se garder de considérer que les parents qui éduquent leurs enfants à domicile ou les établissements privés hors contrat relèvent de la sphère des activités de nature sectaire. Ils ont ainsi contrôlé la réalité de l’Éducation dispensée dans les familles (1119 enfants évalués sur 2813). Ces contrôles ont révélé une situation plutôt satisfaisante puisque ce nombre élevé d’interventions s’est traduit par un nombre très modeste de mises en demeure de scolarisation dans un établissement public ou privé sous contrat : 23, après que deux évaluations successives avaient démontré un niveau d’acquisition des connaissances très insuffisant. »
Pages 257 et 258
Rapport 2007 :
Pas de chiffre communiqué dans le cadre de l’instruction en famille.
« La CPPS (cellule chargée de la prévention des phénomènes sectaires dans l’Éducation) a, en effet, été informée :
[…] – du souhait de l’association « Les enfants d’abord » que de nouvelles modalités de contrôle de l’instruction dans la famille soient mises en oeuvre rapidement. »
Page 201
Rapport 2008 :
« La solution retenue pour ces enfants par leurs familles correspond en elle-même à l’exercice d’une liberté et ne doit pas être suspectée par principe. » Lettre de Monsieur Darcos à Monsieur Fenech.
Pages 145 et 146
Rapport 2009 :
Il réitère le constat que « le choix de l’instruction à domicile n’est en rien synonyme de dérive sectaire et est garanti par la loi » (pages 127 et 226), qu’il « doit être à cet égard rappelé que la solution retenue pour ces enfants par leurs familles correspond elle-même à l’exercice d’une liberté et ne doit pas être suspectée par principe, et (…) qu’il (…) convient donc d’écarter tout amalgame entre instruction à domicile et risque de dérives sectaires » (page 250) .
Note 2
Le 5 janvier 2007, MM. Fenech et Vuilque déposent deux amendements dans le cadre du projet de loi réformant la protection de l’enfance.
L’amendement N°127 obligerait les familles, qui font le choix de l’instruction à domicile, à justifier de raisons réelles et sérieuses, laissées à la seule appréciation d’un inspecteur académique. L’amendement n°128 imposerait aux familles le recours à l’enseignement à distance.
Note 3
Propos du journaliste Grégory Poitier lors de l’émission « Les Maternelles » du 5 mai 2010 :
« Nous avions souhaité avertir les familles de parents d’élèves françaises, sur les tentatives d’approche de certaines mouvances sectaires via le coaching scolaire qui pourrait cibler parfois les familles qui font le choix de l’instruction à domicile. Mais bien loin de moi, de nous, la volonté de faire un amalgame entre l’instruction en famille et les mouvances à dérives sectaires. Ce n’est pas le cas. Il faut rappeler que l’instruction en famille, c’est un choix privilégié par des parents qui ont de hautes motivations éducatives, que c’est d’abord une liberté constitutionnelle et que bien évidemment nous avons fait un travail de vigilance qu’il ne faut pas confondre avec une invitation à la suspicion. Par principe, il ne s’agit pas de ça, nous avons déjà consacré des émissions à l’école à domicile et nous savons tous les efforts que consacrent les parents qui font ce choix. »