Fin 2007, des parlementaires ont attiré l’attention du gouvernement sur le fait que les familles qui instruisent leurs enfants dans la famille ne reçoivent pas l’allocation de rentrée scolaire alors qu’elles supportent les frais afférents à cette instruction. Ils ont demandé au gouvernement de remédier à « cette situation discriminante ». Le gouvernement vient de répondre par la négative.
L’association « Les Enfants d’Abord » réagit vivement au caractère toujours manifestement discriminatoire du refus récent du Gouvernement d’accorder l’allocation de rentrée scolaire au bénéfice des enfants instruits dans leur famille.
Dans sa réponse écrite du 9 septembre 20081 aux questions de plusieurs parlementaires, le Gouvernement indique que l’allocation de rentrée scolaire « a vocation à compenser des frais liés à la fréquentation d’un établissement scolaire » et que son versement « ne se justifie donc pas lorsque l’instruction a lieu à domicile ».
Réponse plus que surprenante lorsqu’on sait que la réglementation actuelle accorde déjà l’allocation aux enfants instruits à domicile lorsque l’enseignement est dispensé par un organisme d’enseignement à distance2. Au moins 30 000 enfants sont instruits de cette manière en France, soit par le CNED soit par un établissement d’enseignement privé à distance3.
Le Gouvernement continue donc à porter atteinte au principe de l’égalité de traitement en créant des sous-catégories à l’instruction à domicile : celle des familles ayant recours à l’enseignement à distance bénéficiant de l’allocation de rentrée scolaire et celle des enfants instruits à domicile sans le support de ces cours qui ne la touche toujours pas.
Le Gouvernement persiste à exclure du versement de l’allocation environ 3000 enfants4 en France instruits par leurs parents alors que tous les autres enfants de familles à revenus modestes remplissant leur obligation d’instruction en France bénéficient de cette allocation, quelque soit le choix du lieu (établissement public ou privé sous ou hors contrat, domicile dans le cas de l’enseignement à distance) ou du genre d’enseignement dispensé (programmes de l’éducation nationale ou pédagogie différente).
Le Gouvernement estime que l’instruction dans la famille revêt un « caractère exceptionnel » et ne peut être remise en cause, parce qu’elle répond à des situations sociales, familiales ou médicales particulières. On notera, d’une part, que le choix de l’instruction dans la famille est parfaitement légal et n’est pas soumis à un régime d’exception : les parents n’ont pas à justifier de raisons particulières5, et d’autre part, la position du Gouvernement est pour le moins étonnante : on se demande bien pourquoi l’allocation ne serait pas étendue précisément aux situations citées : les familles dont les enfants relèvent d’une situation particulière (handicap, phobie scolaire, difficultés d’apprentissage en milieu scolaire, éloignement d’une école) ont autant de raisons d’être aidées financièrement pour leurs frais d’instruction.
Toujours en s’appuyant sur ce « caractère exceptionnel » le Gouvernement prétend que verser cette allocation aux enfants instruits dans leur famille « nuirait au renforcement de l’obligation scolaire encore affirmée récemment par le législateur ». Or, l’association rappelle qu’il n’existe pas d’obligation scolaire en France mais une obligation d’instruction, instituée par la loi de Jules Ferry de 1882 et actuellement insérée au code de l’éducation à l’article L 131-2. Le législateur de 1998 a effectivement décidé d’affirmer la priorité de l’instruction dans les établissements d’enseignement, contredisant les principes constitutionnels et internationaux qui reconnaissent la priorité aux parents pour leurs choix éducatifs. L’association revendique par ailleurs la suppression de cette phrase du code de l’éducation, se trouvant actuellement à article L 131-1 alinéa 2.
Mais en tout état de cause, cette affirmation du législateur n’a pas pour effet de substituer une obligation scolaire à l’obligation d’instruction. Et c’est bien cette obligation d’instruction (dans les familles et dans les écoles hors contrat) qui a été renforcée en 1998 par l’instauration d’un contrôle plus important de l’État6.
Pour toutes ces raisons, exclure les enfants légalement instruits dans leur famille du bénéfice d’une aide aux frais d’équipement de rentrée est totalement injuste.
L’association maintient donc sa demande de modification de l’assiette de l’allocation de rentrée scolaire afin que les enfants instruits dans la famille puissent en bénéficier au même titre que les familles dont les enfants sont instruits dans une école ou par enseignement à distance.
Cette modification est également soutenue par deux autres associations nationales : Choisir d’instruire son Enfant (CISE ) et Libres d’Apprendre et d’Instruire Autrement (LAIA ).
Jennifer Fandard et Valérie Vincent
1- Voir le texte de la réponse du Gouvernement aux questions de François Loncle, Françoise Hostalier, Patricia Schillinger et Jean-Yves Le Déaut.
2- Article L543-1 alinéa 1 du code de la sécurité sociale : « Une allocation de rentrée scolaire est attribuée au ménage ou à la personne dont les ressources ne dépassent pas un plafond variable en fonction du nombre des enfants à charge, pour chaque enfant inscrit en exécution de l’obligation scolaire dans un établissement ou organisme d’enseignement public ou privé. »
3- Au CNED, un total de 36 176 élèves suivent une formation complète au CNED, de l’’enseignement élémentaire à la fin du lycée. 19793 élèves relèvent de l’enseignement élémentaire et collège et 16383 relèvent de l’enseignement lycée.
Statistiques tirées du rapport d’activité 2007 du CNED :http://www.cned.fr/institution/presentation/rapport2007.pdf . Une enquête téléphonique de l’association auprès des principaux organismes d’enseignement à distance indique qu’environ 7000 enfants sont inscrits en scolarité complète.
4- Rapport 2006 de la Miviludes, 257 et 258 : 2813 enfants étaient instruits dans leur famille en 2005.
5- Un amendement dans ce sens tendant à subordonner le choix d’instruction dans la famille à la présentation de raisons réelles et sérieuses a été rejeté par le gouvernement en février 2007 lors des débats sur le projet de loi pour la protection de l’enfance.
6- Articles L 131-2, L131-5, L131-10, D131-11 à 131-16 du code de l’éducation