La Liberté d’enseignement n’est pas négociable, c’est un Droit inaliénable !
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Le 26 mai dernier, Monsieur Noblecourt, directeur adjoint au cabinet de la ministre de l’Éducation nationale, nous a annoncé la teneur des prochaines modifications réglementaires et législatives du dispositif encadrant l’instruction en famille (IEF).
Ces mesures sont de trois ordres :
* modification du décret relatif au contenu des connaissances requis des enfants instruits dans la famille : la progression des enfants en IEF serait désormais liée aux attendus de chaque fin de cycle d’enseignement, et les enfants soumis à des exercices écrits ou oraux.
* modification de l’article L.131-10 du Code de l’éducation : le choix du lieu du contrôle dépendrait dorénavant seulement de l’administration et après deux refus de contrôle, les familles seraient mises en demeure de scolariser leur(s) enfant(s).
* rédaction d’une nouvelle circulaire pour la rentrée 2016-2017.
Même si ces évolutions voulues par le gouvernement peuvent faire écho aux propos du Premier ministre du 9 mai 2016 – « Le contrôle des établissements hors contrat et de l’enseignement à domicile sera poursuivi et intensifié.»1 -, M. Noblecourt a déclaré qu’il n’y a pas de lien entre l’instruction en famille et des situations d’emprise sectaire ou de radicalisation.
C’est la forte progression du nombre d’enfants instruits en famille qui nourrit les inquiétudes du ministère. Elle impliquerait de fait une augmentation des contrôles et par voie de conséquence des difficultés d’organisation pour l’administration, dues au manque de moyens et de formation du personnel à la diversité pédagogique des familles, et de ce fait une judiciarisation, déjà perceptible, que ne souhaite pas le ministère.
Depuis de nombreuses années, nous interpellons le ministère sur ces difficultés. En 2010, déjà, les associations et le ministère s’étaient accordés sur une nécessaire dédramatisation de la situation. Une enquête réalisée par les associations auprès des familles révélait que 90 % d’entre elles n’étaient pas satisfaites de la façon dont se déroulent les contrôles de l’instruction en famille. Et, parmi les 10 % restants, 75 % réclamaient des améliorations, voire que les contrôles soient supprimés, comme c’est le cas dans certains pays, ou qu’ils deviennent facultatifs (réf. Les contrôles pédagogiques : État des lieux 2010)2.
Depuis, les difficultés n’ont cessé de s’aggraver malgré la rédaction d’une nouvelle circulaire en 2011 et, même s’il est à noter des améliorations localement, le bilan global reste négatif. La récente enquête de la DGESCO ne nie d’ailleurs pas ces difficultés qui seraient, selon elle, d’ordre organisationnel (difficulté de trouver une date pour les contrôles,empêchements des familles…), mais n’en révèle pas, cependant, la nature exacte. Le nombre croissant de recours administratifs, ainsi que de familles qui s’organisent localement pour obtenir des rendez-vous avec les rectorats dans le but d’améliorer les conditions de contrôle, et de recours aux équipes juridiques des associations témoignent, eux, de la difficulté des familles à faire respecter leurs choix éducatifs et pédagogiques.
La difficulté principale que rencontrent les familles lors des contrôles réside dans le fait que les personnes qui en sont chargées sont dans une « logique scolaire » qui peut ne pas être celle des parents et qui ne peut pas être imposée, conformément à la réglementation actuelle qui n’exige pas d’évaluation des enfants.
Si certaines familles suivent les programmes scolaires et les paliers de progression du socle commun, d’autres, conformément au principe constitutionnel de la liberté de l’enseignement, respectent la progression de l’enfant motivée par ses propres intérêts. Il n’y a donc pas de « logique prévisible » et la progression ainsi retenue, comme le prévoit actuellement l’article D.131-12, ne peut être compatible avec « les attendus de chaque fin de cycle d’enseignement » qui seraient l’objectif imposé par le nouveau décret.
De même que l’inscription dans la loi, toujours dans sa partie réglementaire, de « la soumission des enfants à des exercices écrits ou oraux » est contraire au choix de certaines familles de ne pas souscrire au principe de l’évaluation dont de nombreuses études prouvent les effets néfastes sur l’estime de soi, la motivation et la pérennité des apprentissages.
Si ces modalités sont destinées à faciliter le travail des personnes chargées des contrôles en les standardisant selon la norme scolaire, notamment parce qu’elles ne savent ou ne souhaitent pas s’adapter aux pédagogies différentes, nous affirmons qu’elles aboutissent à imposer les programmes de l’Éducation nationale et à supprimer la liberté d’enseignement.
Enfin, le dépôt d’un amendement par le ministère, dans le cadre de la loi Égalité et Citoyenneté, en vue de modifier l’article L.131-10 du Code de l’éducation, donnerait les pleins pouvoirs à l’administration de décider in fine des modalités de contrôle, et plus particulièrement en ce qui concerne le choix du lieu du contrôle. Pourtant, les législateurs, lors des débats à l’Assemblée nationale en 1998 dans le cadre de l’adoption de la loi sur le renforcement de l’obligation scolaire, avaient souhaité en toute logique que celui-ci se déroule dans un des lieux dédiés à l’instruction, d’où le choix du « notamment au domicile » : « Ce contrôle prescrit par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation a lieu notamment au domicile des parents de l’enfant. » (art. L.131-10 du Code de l’éducation). On peut craindre que le choix de l’administration se porte toujours, comme c’est de plus en plus souvent le cas, sur les locaux de l’Éducation nationale pour des questions d’économie de temps et de frais de déplacement. Cette mesure inégalitaire se ferait donc au détriment des familles qui ont également des impératifs d’emploi du temps d’ordres familial et professionnel, des contraintes liées aux frais de déplacement (familles à petit budget) et au transport du matériel pédagogique parfois impossible. Ces éléments légitimes justifient que les contrôles continuent à pouvoir se dérouler notamment au domicile.
Cet amendement comprendrait également une mise en demeure de scolarisation au bout de deux refus de contrôle. Or, ce que les inspecteurs considèrent comme des refus de contrôle ne sont en réalité, pour les situations dont nous avons connaissance, que des demandes de modalités respectueuses.
Les modifications réglementaires et législatives annoncées par M. Noblecourt montrent qu’il ne s’agit pas tant, pour le ministère, d’améliorer un dispositif déjà existant et efficient en matière de protection des enfants, que de faire taire les familles. En effet, avec le projet d’amendement et de décret, les familles ne seront plus en mesure d’exiger des modalités respectueuses de la loi, des enfants et des choix pédagogiques, sans s’exposer à des représailles coercitives comme le signalement au Procureur ou la mise en demeure de scolariser. C’est parfois déjà le cas, alors même que la situation réelle ne relève pas d’une absence ou d’un manque d’instruction puisque ces représailles ne sont, le plus souvent, pas suivies de poursuites judiciaires.
Il y a lieu de s’interroger sur la volonté exprimée par M. Noblecourt d’opérer de tels changements qui musellent les familles tout en prônant par ailleurs « le plein respect de la liberté de l’enseignement » alors que la réalité des contrôles prouve déjà que ce sont bien leurs modalités qui posent problème et non l’absence d’instruction. M. Noblecourt n’a pu, à ce sujet, communiquer de chiffres qui indiqueraient un pourcentage significatif d’enfants en défaut d’instruction.
Nous nous insurgeons contre de telles dispositions qui vont à l’encontre des principes constitutionnels de liberté de l’enseignement et de liberté de conscience que les gouvernements successifs, depuis l’adoption en 1998 de la loi sur le renforcement de l’obligation scolaire, n’ont eu de cesse pourtant de reconnaître, en confirmant que les enfants instruits en famille n’ont pas à être soumis aux paliers de progression prévus par le socle commun et que « Les procédures d’évaluation prévues dans le préambule de l’annexe qui définit le socle commun ne sont pas applicables aux enfants instruits dans la famille. »
Enfin, nous nous indignons du mépris et du manque de considération du travail effectué en commun sur le terrain par les différents acteurs (familles, personnels de l’Éducation nationale, associations, groupes locaux…) et de celui entrepris depuis de longues années avec la DGESCO.
La demande de garantie que les droits éducatifs des familles soient préservés et respectés a toujours été une priorité et elle prend, aujourd’hui, tout son sens. Elle ne peut se satisfaire de la promesse d’une circulaire dans laquelle serait inscrit le respect des libertés d’autant plus que nous constatons régulièrement que les circulaires ne sont pas appliquées, voire méconnues, par certains personnels de l’Éducation nationale. Les circulaires ne sont que des notes de service sans incidence juridique. Elles n’ont donc pas pour fonction de garantir des libertés aussi fondamentales.
Nous exigeons donc que des mesures législatives et réglementaires, prises en concertation avec les représentants des familles, aillent dans le sens d’une garantie réelle et effective de la liberté pédagogique au nom de l’intérêt des enfants, du droit qu’ont les parents de choisir en priorité le mode d’éducation à leurs donner3 et d’assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques4.
1. page 40 du document http://www.gouvernement.fr/par
2. Les contrôles pédagogiques : État des lieux 2010 http://blog.lesenfantsdabord.org
3. Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, 1948, article 26- 3
4. http://www.echr.coe.int/Docume
Droit à l’instruction – « Nul ne peut se voir refuser le droit à l’instruction. L’État, dans l’exercice des fonctions qu’il assumera dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement, respectera le droit des parents d’assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictionsreligieuses et philosophiques.»