Courriers aux parlementaires

Voici les deux courriers que l’association LED’A a adressé aux parlementaires et certaines réponses :

Courrier du député M Thibault BAZIN Meurthe-et-Moselle

Question écrite du député M Patrick HETZEL Bas-Rhin

1. Pour ceux qui ont soutenu le projet de loi : 
 
Monsieur le Député,
  
En votant pour l’article 49 de la loi confortant le respect des principes de la République, instaurant un régime d’autorisation de l’instruction en famille (IEF), vous avez accordé votre confiance au Gouvernement. Le Ministre de l’Education nationale, ainsi qu’un grand nombre de députés se sont engagés, auprès des familles de 65 000 enfants, tout au long des débats, en cherchant à les rassurer sur la pérennité de leur projet de vie, dans la mesure où elles faisaient les choses « bien ».
 
Cette volonté de préserver l’instruction en famille « bien faite » a été maintes fois revendiquée (1).
 
Si la signification de cette expression pour le Gouvernement aurait méritée d’être précisée alors même que le droit à l’instruction est rempli à 98 % depuis des années (9), nous constatons que les dispositions du projet de décret ne visent pourtant pas la cible avancée lors des débats parlementaires : la lutte contre les dérives séparatistes
En quoi un délai de dépôt des demandes limité à 3 mois permettrait d’éviter des « séparatistes » de déposer un dossier ? En quoi imposer la détention du baccalauréat garantirait l’absence de séparatisme? L’étude de l’IFRI (2) montre qu’on peut avoir un doctorat et être terroriste.
 
Malgré cette volonté de rassurer affichée par un grand nombre des défenseurs de cette loi, les familles pressentaient bien que laisser le soin au pouvoir règlementaire d’encadrer le régime d’autorisation, c’était les livrer aux aléas des idéologies gouvernementales.
 
Les projets de décrets d’application relatifs aux modalités de délivrance de l’autorisation dont elles ont eu connaissance confirment malheureusement ces appréhensions.

 

 

Au travers du présent courrier que vous adresse notre association « Les Enfants d’abord » (LEd’A), Nous vous prions de bien vouloir prendre connaissance des profondes inquiétudes formulées par les familles désormais concernées par les nouvelles dispositions encadrant l’IEF.
 
Ces projets ont été soumis à l’examen du CTMEN en séance du 9 novembre 2021.
Ils ont également été soumis à la commission éducation scolarité du CNCPH le 4 janvier 2021. Date à laquelle ils avaient déjà été transmis au Conseil d’Etat pour avis.
 
Ces projets ne nous ayant pas été transmis, nous avons pu les consulter dans le compte-rendu du CTMEN. Vous le trouverez sur ce lien, les 2 projets concernant l’IEF se trouvent pages 6 à 17 https://www.education.gouv.fr/media/97666/download , nous vous l’adressons également en pièce attachée.
 
Leur publication est prévue pour le 1er février prochain.
 
Nous vous invitons à prendre connaissance de nos objections et à tenir vos engagements auprès des familles, en interpellant le ministre de l’Education Nationale sur ce sujet soit via des questions au gouvernement soit en le contactant pour lui demander le retrait des mesures qui sont sans lien avec l’objet de la loi et entravent ou interdisent des projets pourtant exempts de soupçons de radicalisation.
 
Les points suivants marquent pour nous une rupture nette des engagements pris par le gouvernement devant le parlement : 
 
– une période de dépôt des demandes limitée à 3 mois de l’année (de mars à mai pour la rentrée de septembre),
– en cas de menace à l’intégrité physique ou morale de l’enfant, la nécessité de présenter une attestation du directeur de l’établissement établissant la menace,
– l’exigence de présentation par la personne chargée de l’instruction d’un diplôme équivalent au baccalauréat, ceci uniquement pour le motif de situation propre à l’enfant,
– la mise en place d’une cellule de recours dont la composition, principalement des membres de l’éducation nationale, en fait un organe à la fois juge et partie
– un délai de 8 jours seulement pour contester un refus.
 
Toutes ces mesures, ainsi que d’autres que nous ne développerons pas ici, sont infondées et extrêmement contraignantes, voire excluantes pour de nombreuses familles qui n’ont rien à se reprocher : 
 
1) La période de dépôt
Un projet familial ou un besoin de l’enfant légitimes interviennent bien souvent en dehors de la période limitative (à l’heure actuelle il s’agit d’une part significative de jeunes qui sont déscolarisés en cours d’année pour différentes raisons : déménagement, harcèlement, phobie, mal être, maladie, changement de situation de l’élève handicapé, projet de pratique intensive, projet impliquant une itinérance…). Il n’y a aucune justification au fait d’imposer de les suspendre pour une période pouvant aller jusqu’à plus d’un an s’ils se déclarent au mois de juin.
> Nous proposons de retirer le délai de dépôt des demandes d’autorisation, qui n’est pas du tout envisagé par la loi, et sans aucun lien avec la radicalisation. 
 
2) Le diplôme du baccalauréat
Des parents non détenteurs du baccalauréat en raison de circonstances de vie qui leur sont propres peuvent être de très bons instructeurs. Les contrôles effectués auprès des familles concernées en témoignent : ils sont positifs à plus de 98%, alors qu’environ 16% des parents ne sont pas titulaires du bac. Plusieurs études sociologiques montrent également que les résultats scolaires des enfants en IEF ne dépendent pas du niveau d’instruction des parents, mais de leur niveau d’engagement personnel (3).  De plus, l’appréciation globale de la situation de l’enfant et de son intérêt devrait rester prioritaire par rapport à ce critère.
Cette mesure est sans aucun rapport avec des motifs de crainte de radicalisation.
> Nous proposons de retirer cette mesure infondée et non prévue par la loi. 
 
 3) L’autorisation du directeur
La demande d’une attestation du directeur est particulièrement problématique : 
 
L’IEF est très souvent utilisée comme issue de secours par les familles. Selon cette mesure, en cas de problème d’inclusion, phobie, harcèlement…, le jugement du directeur sur la situation aurait plus de valeur que celui des parents ou même que la parole de l’enfant. Alors même qu’il est démontré que les directeurs sont partie prenante en cas de harcèlement révélé au sein de leur établissement. 
 
Rappelons que depuis le mois de janvier 2021, 20 enfants se sont suicidés suite à des faits de harcèlement. Bien souvent, l’école n’a pas pris la mesure des choses (ci-dessous, des témoignages de familles endeuillées (4)). L’école souvent ne voit pas, ou minimise la souffrance. Ceci d’une part car l’enfant n’a souvent pas le même comportement et la même confiance pour s’exprimer au sein de l’école que dans sa famille, d’autre part car le personnel n’est pas suffisamment formé à détecter ces situations, et enfin car l’école est juge et partie et peut tout à fait avoir des réticences à reconnaître sa faute ou son impuissance, c’est humain. Les problématiques de notation et de réputation s’ajoutent à cela et sont reconnues par le recteur de Paris lui-même (5).
 
De plus, cette procédure fait perdre un temps précieux (obtention d’un rdv, discussions, investigations…) qui peut être extrêmement préjudiciable, voire dramatique pour l’enfant comme l’a souligné le comité des droits de l’enfant : « Les enfants et les adultes n’ont pas la même perception de l’écoulement du temps. Les retards dans le processus de décision ou sa durée excessive sont particulièrement préjudiciables aux enfants − en constante évolution. Il est donc souhaitable d’attribuer un rang de priorité élevé aux procédures et processus qui concernent les enfants ou ont un impact sur eux et de les mener à terme au plus vite. » (6)
> Nous proposons de retirer cette mesure dangereuse, et de s’en tenir à la simple concertation prévue par la loi. Les familles doivent pouvoir bénéficier de la présomption d’innocence au moins le temps de la demande d’autorisation (2 mois!).
 
4) La composition de la commission de recours 
Le décret prévoit que cette commission soit présidée par le recteur et composée en majorité de membres désignés par lui (3 membres sur 4). En l’état c’est un simple organe de validation des décisions du DASEN, qui fera seulement perdre un temps précieux aux familles. Nous demandons une représentation paritaire, comme il est d’usage dans ce type de commission.
> Nous demandons d’y intégrer des représentants des associations de parents d’élèves, des associations d’instruction en famille, et des associations de parents d’enfants en situation de handicap. 
 
5) Un délai de 8 jours pour contester un refus
Ce délai extrêmement réduit, est de nature à priver un grand nombre de familles de l’exercice de leurs droits : l’expérience montre qu’il faut plus de temps pour trouver les bonnes informations, contacter les associations souvent très sollicitées, rédiger les courriers, réunir les pièces.
> Nous demandons l’allongement du délai à une période de 2 mois.
 
Au delà des points qui nous paraissent problématiques dans le projet de décret, nous souhaitons souligner que la communication du ministère de l’Education nationale nous interroge.
 
Nous pensons que les parlementaires n’ont pas pu prendre la mesure de ce projet de loi étant donné que certains chiffres ont été transmis par le Ministère de l’Education Nationale seulement une fois la loi promulguée. 
Durant tout le processus législatif, aucun chiffre n’est venu soutenir la thèse de la présence de radicalisation au sein de l’instruction en famille. Les rapports de la Dgesco ont pourtant été réclamés à maintes reprises par les associations et par les députés.
Le ministère a systématiquement refusé de les communiquer malgré une pétition (7), une action en référé mesures utiles (8), et même une injonction de la CADA. Il aura fallu saisir une deuxième fois la CADA pour qu’ils nous soient enfin communiqués, quelques jours après la promulgation.
Ces rapports montrent que pour 2018-2019, seulement 32 enfants instruits en famille ont fait l’objet d’informations préoccupantes, soit 0,09%, sans préciser l’issue de cette IP, et ne font aucune mention de radicalisation (9). 
 
Concernant le décret d’application, le ministère de l’Education nationale n’a pas souhaité tirer parti de notre expérience de terrain depuis plus de 30 ans. Il a opposé une fin de non recevoir aux demandes formulées en ce sens (10).
 
Le CNCPH a également critiqué les agissements du ministère, qui a admis lors de la consultation de sa commission Education et Scolarité, le 4 janvier, que le projet avait déjà été transmis au Conseil d’Etat, avant qu’elle ait pu se prononcer. Elle a en outre rendu un avis défavorable sur les mesures relatives au handicap, notamment en raison du fait que le décret exige la preuve de la part des familles de l’impossibilité de scolariser, et en raison du fait que l’autorisation pour des raisons de handicap ne pourrait être accordée que pour une durée  maximale de 3 ans. Elle conteste comme nous la limitation du délai de dépôt à 3 mois (11).
 
Nous espérons que vous serez sensible aux problématiques soulevées et que le ministère montrera qu’il a à cœur de rechercher des solutions respectueuses des personnes concernées, et notamment des enfants. 
 
Nous vous remercions de nous avoir lus, et comptons sur votre engagement pour garantir l’intérêt et la sécurité des enfants qui sont ou seront concernés, et dont les parents n’ont rien à se reprocher, quelle que soit leur situation.
 
Nous nous tenons à votre disposition pour toute information complémentaire relative aux conséquences de ces mesures.
 
Avec nos salutations respectueuses,
 
Association LEd’A
 
 
 
(1) « Jean-Michel Blanquer assure que l’instruction en famille bien faite pourra continuer » https://www.bfmtv.com/politique/jean-michel-blanquer-assure-que-l-instruction-en-famille-bien-faite-pourra-continuer_VN-202102200140.html
 
 
« Oui, l’instruction en famille sera possible s’il n’est pas constaté de risque de radicalisation ou pour les droits de l’enfant »
 
 
 
(4)  Témoignages de familles endeuillées : 
Marion : « Le tribunal a en outre estimé que les multiples appels à l’aide, lancés par la mère de Marion auprès du personnel enseignant et de la direction du collège, n’avait pas été entendus. » https://www.cnews.fr/france/2021-11-18/dinah-alisha-evaelle-quand-le-harcelement-scolaire-mene-la-tragedie-1150048
 » Et les adultes en qui elle avait confiance ont laissé faire. » https://www.franceculture.fr/emissions/les-pieds-sur-terre/marion-treize-ans-harcelee-jusqu-au-suicide
 
Dinah : « Plusieurs fois, j’ai appelé le collège et rien n’a été fait. » https://www.bfmtv.com/societe/suicide-de-dinah-victime-de-harcelement-scolaire-le-point-sur-l-enquete_AV-202110250289.html
 
Emilie « A chaque fois, ils ont rencontré les professeurs, mais « ils ne voyaient rien ». Selon cette mère, il y a « une omerta » au sein de  l’établissement. » https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/lille-apres-avoir-ete-harcelee-dans-son-college-emilie-se-suicide-1095611.html
 
Autres : 
« Le chef d’établissement de ce collège jouissant d’une bonne réputation se refuse à agir au motif que la récréation serait bien surveillée » « Nous souhaitons dénoncer l’omerta qui règne dans les établissements de France et de Navarre autour de ce fléau  » https://www.mediatico.fr/tribunes/harcelement-scolaire-contre-la-loi-du-silence-a-lecole/
 
« De nombreux témoignages, en effet, dénoncent l’inaction de certains professeurs ou instituteurs alors qu’ils avaient connaissance d’une de situation de harcèlement. » https://www.sudouest.fr/politique/education/comment-des-situations-de-harcelement-scolaire-peuvent-elles-echapper-si-longtemps-a-la-vigilance-des-adultes-7193567.php
 
« Du côté de la direction, on ne sentait aucune bienveillance. On agaçait parce qu’on avait voulu soulever des problèmes de harcèlement » https://www.europe1.fr/societe/le-fils-danne-a-ete-victime-de-harcelement-scolaire-et-a-tente-de-se-suicider-3947315
 
(5)
Christophe Kerrero, Recteur de l’Académie de Paris « La réticence existe car souvent le chef d’établissement se sent seul […] La difficulté pour rendre compte et relayer vient de la peur d’être mal vu, mal noté. »  https://www.nossenateurs.fr/seance/23433
 
Hussein Bourgi, Sénateur  « L’institution met des outils pour signaler le harcèlement au DASEN et au rectorat, mais je continue à trouver des chefs d’établissements qui ne les relaient pas et on découvre les faits via la presse locale. Lorsque je leur demande pourquoi ne pas avoir utilisé ces outils, ils me disent que c’est parce que c’est chronophage, mais aussi parce qu’ils ne veulent pas donner une mauvaise image de leur établissement. En effet, les classements des meilleurs collèges et lycées prennent en compte les faits qui ont trait à la vie scolaire. On se rend alors compte qu’il y a parfois de l’autocensure de la part des chefs d’établissement. » 
 
(6) Observation générale no 14 (2013) sur le droit de l’enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale (art. 3, par. 1)
 
 
 
 
(10) Lien vers le compte rendu de la réunion du 5 octobre avec le MEN, autour de la rédaction du décret  https://federation-felicia.org/2021/10/22/audition-a-la-dgesco-autour-du-decret-de-la-loi-separatisme/  
 
(11) Lien vers l’avis du CNCPH https://t.co/d5PT24bl9n
 
 
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2. Pour ceux qui ont soutenu l’IEF : 
 
 
 

Monsieur le Sénateur,

Vous avez été amené à vous prononcer en 2021 sur l’instruction en famille (IEF) dans le cadre de la loi confortant le respect des principes de la République. C’est en tant que défenseur de la liberté d’instruction et plus particulièrement de l’instruction en famille que notre association « Les Enfants d’Abord » (LEd’A) vous a sollicité et vous sollicite à nouveau.

Vous avez exprimé votre soutien auprès de ces dizaines de milliers de familles concernées par ce changement de cadre, et nous vous en sommes sincèrement reconnaissants.

Devant l’absence manifeste de volonté du ministère de l’Education nationale d’inclure les associations représentantes dans un processus de dialogue et de coopération autour du projet de décret d’application, et suite aux premières fuites concernant celui-ci, nous souhaitons vous faire part des craintes émises par les familles concernées, et vous demandons instamment d’interpeller le ministre de l’Education nationale, Monsieur Blanquer, sur ce sujet soit via des questions au gouvernement, soit en le contactant pour lui demander le retrait des mesures qui sont sans lien avec l’objet de la loi et très préjudiciables pour les enfants.

La publication de ce décret est envisagée pour le 1er février prochain.
Le projet, visible sur ce lien https://www.education.gouv.fr/media/97666/download , prévoit notamment les mesures suivantes :

– une période de dépôt des demandes limitée à 3 mois de l’année (de mars à mai pour la rentrée de septembre),
– en cas de menace à l’intégrité physique ou morale de l’enfant, la nécessité de présenter une attestation du directeur de l’établissement établissant la menace,
– la présentation par la personne chargée de l’instruction d’un diplôme équivalent au baccalauréat,
– la mise en place d’une cellule de recours dont la composition, principalement des membres de l’éducation nationale, en fait un organe à la fois juge et partie.

Toutes ces mesures ainsi que d’autres que nous ne développerons pas ici, sont infondées et extrêmement contraignantes, voire excluantes pour de nombreuses familles qui n’ont rien à se reprocher :

1) La période de dépôt
Un projet familial ou un besoin de l’enfant légitimes interviennent bien souvent en dehors de la période limitative (à l’heure actuelle il s’agit d’une part significative de jeunes qui sont déscolarisés en cours d’année pour différentes raisons : déménagement, décès, harcèlement, phobie, mal être…). Il n’y a aucune justification au fait d’imposer de les suspendre pour une période pouvant aller jusqu’à plus d’un an s’ils se déclarent au mois de juin.
Nous proposons de retirer le délai de dépôt des demandes d’autorisation, qui n’est pas du tout envisagé par la loi.

2) Le diplôme du baccalauréat
Des parents non détenteurs du baccalauréat en raison de circonstances de vie qui leur sont propres peuvent être de très bons instructeurs. Les contrôles effectués auprès des familles concernées en témoignent : ils sont positifs à plus de 98%, alors qu’environ 16% des parents ne sont pas titulaires du bac. Plusieurs études sociologiques montrent également que les résultats scolaires des enfants en IEF ne dépendent pas du niveau d’instruction des parents, mais de leur niveau d’engagement personnel (1).  De plus, l’appréciation globale de la situation de l’enfant et de son intérêt devrait rester prioritaire par rapport à ce critère.
Nous proposons de retirer cette mesure infondée et non prévue par la loi.

 3) L’autorisation du directeur
La demande d’une attestation du directeur est particulièrement problématique :

L’IEF est très souvent utilisée comme issue de secours par les familles. Selon cette mesure, en cas de problème d’inclusion, phobie, harcèlement…, le jugement du directeur sur la situation aurait plus de valeur que celui des parents ou même que la parole de l’enfant. Alors même qu’il est démontré que les directeurs sont partie prenante en cas de harcèlement révélé au sein de leur établissement.

Rappelons que depuis le mois de janvier 2021, 20 enfants se sont suicidés suite à des faits de harcèlement. Bien souvent, pour ne pas dire toujours, l’école n’a pas pris la mesure des choses. L’école souvent ne voit pas, ou minimise la souffrance. Ceci d’une part car l’enfant n’a souvent pas le même comportement et la même confiance pour s’exprimer au sein de l’école que dans sa famille, d’autre part car le personnel n’est pas suffisamment formé à détecter ces situations, et enfin car l’école est juge et partie et peut tout à fait avoir des réticences à reconnaître sa faute ou son impuissance, c’est humain.

De plus cette procédure fait perdre un temps précieux (obtention d’un rdv, discussions, investigations…) qui peut être extrêmement préjudiciable, voire dramatique pour l’enfant comme l’a souligné le comité des droits de l’enfant : Les enfants et les adultes n’ont pas la même perception de l’écoulement du temps. Les retards dans le processus de décision ou sa durée excessive sont particulièrement préjudiciables aux enfants − en constante évolution. Il est donc souhaitable d’attribuer un rang de priorité élevé aux procédures et processus qui concernent les enfants ou ont un impact sur eux et de les mener à terme au plus vite. Observation générale no 14 (2013) sur le droit de l’enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale (art. 3, par. 1)
Nous proposons de retirer cette mesure, et de s’en tenir à la simple concertation prévue par la loi.

4) La composition de la commission de recours
Le décret prévoit que cette commission soit présidée par le recteur et composée en majorité de membres désignés par lui (3 membres sur 4). En l’état, c’est un simple organe de validation des décisions du DASEN, qui fera seulement perdre un temps précieux aux familles. Nous demandons une représentation paritaire, comme il est d’usage dans ce type de commission.
Nous demandons d’y intégrer des représentants des associations de parents d’élèves, des associations d’instruction en famille, et des associations de parents d’enfants porteurs de handicap.

Comme nous le craignions, ces mesures vont bien au-delà d’une prétendue lutte contre le séparatisme. Le gouvernement semble vouloir faire au mieux de ses propres intérêts, allant jusqu’à contraindre le calendrier de demande d’autorisation sans tenir compte du nombre significatif d’enfants déscolarisés en cours d’année, et souhaite limiter au maximum l’accès à ce mode d’instruction pour toutes les familles, même celles « qui le font bien », contrairement aux promesses qui nous ont été faites.

Au delà des points qui nous paraissent problématiques dans le projet de décret, nous souhaitons souligner que la communication du ministère de l’Education nationale nous interroge une fois de plus.

Nous pensons que les parlementaires n’ont pas pu prendre la mesure de ce projet de loi étant donné que certains chiffres ont été transmis par le Ministère de l’Education Nationale seulement une fois la loi promulguée.
En effet, durant tout le processus législatif, aucun chiffre n’est venu soutenir la thèse de la présence de radicalisation en sein de l’instruction en famille, les rapports de la Dgesco concernant l’instruction en famille ont pourtant été réclamés à maintes reprises par les associations et par les parlementaires. Ces rapports bisannuels sont habituellement rendus publics.
Le ministère de Monsieur Blanquer ne les a jamais communiqués depuis son entrée en fonctions, et a systématiquement refusé de les communiquer malgré une pétition (2), une action en référé mesures utiles (3), et même une injonction de la CADA. Il aura fallu saisir une deuxième fois la CADA pour qu’ils nous soient enfin communiqués, quelques jours après la promulgation de la loi.
Ces rapports montrent que pour 2018-2019, seulement 32 enfants instruits en famille ont fait l’objet d’informations préoccupantes, soit 0,09%, et ne font mention d’aucune radicalisation (4).

Concernant le décret d’application, le ministère de l’Education nationale n’a pas souhaité tirer parti de notre expérience de terrain depuis plus de 30 ans. Il a opposé une fin de non recevoir aux demandes formulées en ce sens, comme d’ailleurs à chacune de nos demandes (5).
Le projet de décret est paru dans la presse, et a été soumis au CTMEN, puis à la CNCPH, sans que les associations concernées en aient été informées https://www.aefinfo.fr/depeche/661552-ief-un-projet-de-decret-detaille-le-projet-educatif-associe-a-une-demande-d-autorisation

La CNCPH a également critiqué les agissements du ministère, qui a admis lors de la consultation de sa commission Education et Scolarité, le 4 janvier, que le projet avait déjà été transmis au Conseil d’Etat, avant qu’elle ait pu se prononcer. Elle a en outre rendu un avis défavorable sur les mesures relatives au handicap, notamment en raison du fait que le décret exige la preuve de la part des familles de l’impossibilité de scolariser.

Nous espérons que vous serez sensible aux problématiques soulevées et que le ministère montrera enfin qu’il a à cœur de rechercher des solutions respectueuses des personnes concernées, et notamment des enfants.

Nous vous remercions de nous avoir lus, et comptons sur votre engagement pour garantir l’intérêt et la sécurité des enfants qui sont ou seront concernés, quelle que soit leur situation.

 Nous nous tenons à votre disposition pour toute information complémentaire relative aux conséquences de ces mesures.

Avec nos salutations respectueuses,

Association « Les Enfants d’Abord »

(1) http://etheses.dur.ac.uk/1005/1/1005.pdf
(2) Lien vers la pétition https://association-unie.fr/petition-nous-voulons-les-rapports-de-la-dgesco/
(3) Lien vers l’action en référé https://droit-instruction.org/2021/06/25/une-association-nationale-attaque-le-ministere-de-leducation-nationale-en-justice-pour-obtenir-les-rapports-de-la-dgesco-sur-linstruction-en-famille/
(4) Lien vers les rapports de la Dgesco https://blog.lesenfantsdabord.org/les-rapports-de-la-dgesco-2016-2017-et-2018-2019-sont-enfin-arrives-dans-la-boite-aux-lettres-de-leda/
(5) Lien vers le compte rendu de la réunion du 5 octobre avec le MEN, autour de la rédaction du décret  https://federation-felicia.org/2021/10/22/audition-a-la-dgesco-autour-du-decret-de-la-loi-separatisme/

 

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