Instruction en famille : Macron provoque dans l’entre-deux-tours ! 

L’association Les Enfants d’Abord (LED’A), dépose un recours contre les décrets

CP Led’a Recours contre décrets IEF

Le président-candidat, visiblement confiant malgré les enjeux électoraux, se permet une nouvelle fois de stigmatiser les centaines de milliers d’électeurs concernés par l’instruction en famille (IEF) avant le 2e scrutin. 

Le 11 avril 2022, au lendemain des résultats du 1er tour, face à une mère de famille à Denain dans les Haut-de-France, Emmanuel Macron déclare que l’instruction en famille est « un choix de société radicalement différent ».

L’association LED’A s’insurge contre cette manière particulièrement clivante et séparatiste de présenter l’IEF et déplore l’attitude d’Emmanuel Macron, qui persiste dans une posture outrageuse, éhontée et calomnieuse qui a marqué tout le processus des débats ayant abouti à la loi  n° 2021-1109 confortant le respect des principes de la République.

Celui qui affirmait il y a quelques mois “Dans certains de mes propos, j’ai pu blesser des gens. […] C’est ça que je ne referai plus.” semble avoir la mémoire courte.

C’est dans ce contexte tendu, et dans le cadre de la fenêtre de dépôt des demandes d’autorisation, que l’association LED’A dépose, en date du 15 avril 2022, un recours en annulation, ainsi qu’un référé suspension devant le Conseil d’Etat, pour dénoncer les décrets d’application de la loi du 24 août 2021, dont la mise en application annonce déjà les conséquences délétères d’un processus établi sans concertation et niant certains principes fondamentaux du droit. 

Depuis plus de trente ans, LED’A œuvre pour la défense de la liberté d’instruction. Elle a été de tous les combats. Après le discours d’E. Macron en octobre 2020, LED’A a réitéré son engagement, dénonçant cet amalgame avec le séparatisme et défendant la liberté d’instruction sans condition de ressources, de diplôme, de pédagogie, plaçant l’enfant au cœur de ce choix de mode d’instruction. Et cet engagement est encore au cœur des requêtes et recours réalisés et déposés par les avocats maîtres Spinosi et Sureau. 

LED’A déplore l’attitude adoptée par le ministère de l’Education nationale depuis le début du processus, refusant tout dialogue. Cet entêtement aboutit ainsi à un texte bâclé, très éloigné de la réalité des familles, et sur certains points manifestement illégal [1].

Un agenda en marche forcée pour les familles et l’administration

Ces décrets, rédigés sans consultation des associations ont été publiés le 15 février, pour une fenêtre de dépôt s’ouvrant au 1er mars et prenant fin au 31 mai. LED’A a déjà dénoncé le contenu des décrets dans son communiqué du 19/02/2022 [2].

Les motifs d’autorisation restent flous et sont plus restrictifs que la loi. 

LED’A, par l’intermédiaire de ses avocats, dénonce notamment : 

– la discrimination des familles selon les motifs, 

– l’exigence du baccalauréat pour le 4e motif,

– une commission de recours, juge et partie, 

– l’obligation de présenter un avis circonstancié du chef d’établissement en cas de recours à l’IEF en cours d’année pour le motif d’atteinte à l’intégrité physique ou morale d’un enfant,

– l’impossibilité de recourir à l’IEF en cours d’année  sauf pour des motifs restreints,

– l’absence de cadre clair pour l’appréciation de chaque motif, faisant peser une lourde insécurité juridique sur les familles.

    

Pas de concertation non plus avec les DASEN, incapables de s’accorder sur l’interprétation des textes, ni même de pouvoir assumer le contrôle des familles dans les temps impartis, leur faisant payer les lourdes conséquences de cet agenda mené tambour battant [3]. 

Le ministère doit répondre de son amateurisme en corrigeant son texte au fil des remontées de terrain suite aux questions des familles auxquelles l’administration, les DASEN, sont en incapacité de répondre. 



Rappel du processus législatif houleux 

Le 2 octobre 2020, à l’occasion du discours des Mureaux sur le thème de la lutte contre les séparatismes, M. Macron annonçait à la surprise générale l’interdiction de l’instruction en famille.  

Un article du parisien [4] nous apprendra que cette décision étonna le ministre de l’Education Nationale lui-même qui avait déclaré devant la commission sénatoriale en 2019 qu’une situation d’équilibre juridique était désormais atteinte sur le sujet avec la loi pour une école de la confiance, qui resserrait encore le cadre de l’instruction en famille.

Lors des débats parlementaires qui ont suivi, aucun argument étayé n’a permis de valider la thèse de séparatisme avancée par le président (la directrice des services territoriaux du renseignement affirmait n’avoir relevé aucun lien entre IEF et le séparatisme, le rapport du Sénat de juillet 2020 arrivait également à la même conclusion), ce qui avait suscité une grande mobilisation de la part des parlementaires (voir la tribune de Cédric Villani dans le Monde [5]).

Malgré les demandes des associations et la saisine de la CADA, le ministère a refusé durant tout le processus législatif de publier les rapports de la DGESCO sur l’IEF et ne le fera qu’après le vote de la loi et l’avis rendu du Conseil Constitutionnel (CC). Ces rapports, que le ministère ne souhaitait pas révéler, ont confirmé l’absence de lien entre instruction en famille et séparatisme

Alors que le CC avait reçu un nombre historique de contributions extérieures, les familles espéraient que les gardes fous fonctionneraient encore, mais le CC s’aligna sur la volonté présidentielle n’émettant alors qu’une réserve d’interprétation pour la rédaction des décrets : 

« il appartiendra, sous le contrôle du juge, au pouvoir réglementaire de déterminer les modalités de délivrance de l’autorisation d’instruction en famille conformément à ces critères et aux autorités administratives compétentes de fonder leur décision sur ces seuls critères excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit. »



« Un choix de société radicalement différent » 

L’amalgame répété avec la radicalisation est fait sans la moindre preuve et sans chiffres, et contredit tous les rapports officiels (Sénat, Dgesco), et l’avis des experts auditionnés (la cheffe du Service central du renseignement territorial de la Police, devant la Commission spéciale : « Il est extrêmement compliqué, pour moi, de faire un lien direct entre l’augmentation du repli communautaire et l’augmentation de l’instruction à domicile.») 



L’instruction en famille est un droit français reconnu depuis la Loi Jules Ferry du 28 mars 1882. 

Pour la majorité des familles ayant fait ce choix, il s’agit d’une solution temporaire, pour une année voire moins, afin de faire face à une atteinte de l’intérêt de l’enfant (décrochage scolaire, harcèlement, phobie…). 

Pour un certain nombre de familles, l’IEF représente la seule option laïque et gratuite face à ces situations d’urgence.

Les parents qui font ce choix ne sont pas dans des considérations d’idéologie sociétale, mais dans des considérations relatives à l’intérêt de leur enfant.

Hormis ce choix singulier, ils vivent, travaillent et exercent leur citoyenneté dans la société comme tout un chacun.



Nous questionnons le procédé qui consiste à stigmatiser des familles qui font un choix légal et contrôlé, dans le but d‘imposer une idéologie gouvernementale. Est-ce digne d’une grande démocratie?

Interdire et stigmatiser l’instruction en famille s’inscrit dans un cynisme électoraliste qui permet de séduire à droite (séparatisme) et à gauche (école unique).

La préservation de l’intérêt de nos jeunes devrait rester étrangère à ces calculs politiques.



Face à l’absence de débat et de dialogue, nous aimerions adresser au candidat E. Macron les questions suivantes : 

Mr Macron, en quoi est-ce radical d’instruire son enfant en famille quand il est harcelé par ses camarades ou son professeur ? 

Doit-on vous rappeler que 700 000 enfants sont victimes de harcèlement scolaire selon un rapport parlementaire d’octobre 2020 [6] ?  

20 élèves sont morts pour cause de harcèlement en 2021 selon l’association HUGO! [7]

 

Mr Macron, en quoi est-ce radical d’instruire son enfant en famille quand l’Etat, quoi qu’il en dise (grande cause Handicap), ne se donne pas les moyens d’accompagner les jeunes qui présentent des besoins particuliers dans leurs apprentissages? 

Doit-on vous rappeler la colère des AESH qui ne cesse de s’amplifier [8] ?

Mr Macron, en quoi est-ce radical d’instruire son enfant handicapé quand le projet décole inclusive est un échec [9] ?



Mr Macron, en quoi est-ce radical d’instruire son enfant en famille quand les choix éducatifs et pédagogiques français sont classés en bas de tableau des pays de l’OCDE et révèlent qu’ils accroissent les inégalités selon les études PISA : Les résultats montrent par ailleurs que la France favorise la réussite d’une élite, celle des enfants qui réussissent le mieux tandis qu’elle est de moins en moins capable de faire réussir les enfants les moins privilégiés [10].

 

Un choix de société ou une société de choix… la réussite par la diversité!

A votre choix de société nous opposons une société de choix, une société d’équité, dans laquelle chaque enfant aurait accès à une instruction de qualité, qui lui convient, différente au besoin de celle de son voisin. L’égalité face au droit à l’instruction consisterait donc à proposer une diversité de choix d’instruction pour que chaque enfant trouve celui qui lui convient, et non un programme unique qui bafoue les besoins des uns aux profits des autres. 

A l’heure du choix pour les millions de parents électeurs, nous invitons le candidat E. Macron à faire preuve d’ouverture, de mesure, d’esprit démocratique, à tenir compte de la parole des enfants, à faire en sorte que l’administration soit au service des citoyens et non pas chercher à les soumettre à sa censure et à ses contraintes organisationnelles, et enfin à écouter toutes celles et ceux qui souffrent de sa politique éducative en général, et sont descendus dans la rue durant son mandat.

Association Les Enfants d’Abord 

Le 15 avril 2022

[1] Communiqué du Conseil National Consultatif pour les Personnes Handicapées https://blog.lesenfantsdabord.org/decret-avis-defavorable-du-cncph/

[2] https://blog.lesenfantsdabord.org/retour-a-lecole-en-marche-forcee/?fbclid=IwAR2F0kjQyFDCqTEGPImsWtZIO4aTKz6LHZ6GmKY0EaiZrBaWjkqjJBZazHI 
[3] Enquête de l’association Libres Enfants du Tarn https://libresenfantsdutarn.com/2022/04/02/demandes-dautorisations-la-cacophonie-des-dsden-de-france/

[4] https://www.leparisien.fr/politique/separatisme-l-histoire-tourmentee-d-un-projet-de-loi-brulant-19-11-2020-8409223.php
[5] https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/02/09/cedric-villani-ne-laissons-pas-l-instruction-en-famille-servir-de-bouc-emissaire-dans-la-lutte-contre-le-separatisme_6069277_3232.html

[6] https://www.education.gouv.fr/non-au-harcelement-campagne-2017-le-harcelement-pour-l-arreter-il-faut-en-parler-5084 Source enquête victimation 2015 – DEPP

[7] https://www.radioclassique.fr/magazine/articles/harcelement-scolaire-20-suicides-depuis-le-debut-de-lannee-selon-lassociation-hugo/
[8] https://informations.handicap.fr/a-AESH-manif-salaire-statut-avril-32673.php

[9] https://www.marianne.net/agora/humeurs/les-ravages-de-l-ecole-inclusive-sur-les-eleves-en-situation-de-handicap
[10] https://www.vie-publique.fr/eclairage/19539-resultats-des-eleves-la-france-et-le-classement-pisa

Version anglaise

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